Abondance ou sobriété, le débat est lancé : « Halte aux discours catastrophes »
Interview avec Cécile Philippe, directrice générale de l’IEM, publiée le 23 juin 2011 dans le magazine Pèlerin.
Épuisement des énergies et des ressources naturelles, réchauffement climatique, ces périls nous obligent-ils à passer de l’abondance à la sobriété?
N’exagérons rien, la fin de l’abondance n’est pas pour demain! Prenons l’exemple du pétrole, dont on ne cesse d’annoncer la fin. Depuis près d’un siècle, toutes les prévisions concernant sa disparition se sont révélées erronées, faute de prendre en compte les progrès technologiques qui, au final, multiplient les réserves disponibles. Ainsi va-t-on trouver à l’avenir de nouveaux gisements, mieux les exploiter, tout en développant des transports et des systèmes de production plus économes en pétrole. Sans compter qu’on finira par découvrir de nouvelles énergies. C’est à ce cercle vertueux que je crois.
Il n’y aurait donc aucune raison de limiter le trafic routier dans notre pays?
Avec le TGV qui progresse et les tramways qui se multiplient, la France n’accorde déjà plus la priorité à ce mode de déplacement. Cependant, il est illusoire de vouloir réduire encore la part « routière », puisqu’il n’existe pas d’alternative fiable et peu coûteuse. Évitons plutôt les fausses bonnes idées, comme les bonus-malus et autres primes à la casse, qui sont des non-sens en matière d’environnement: les économies de gaz carbonique (CO2) réalisées en mettant au rebut les vieilles autos sont annulées par les émissions de carbone provoquées par le traitement de milliers de tonnes de déchets automobiles!
Contestez-vous la menace du réchauffement climatique?
N’étant pas une scientifique du climat, je ne me le permettrais pas. Rappelons cependant que ce réchauffement a cessé depuis une bonne dizaine d’années, alors que nous ne cessons de produire du CO2… Au fond, je réfute les discours catastrophistes, qui passent sous silence les progrès de ces dernières décennies: l’espérance de vie augmente, la qualité de l’air s’améliore, l’industrie recycle de plus en plus ses déchets.
Ne faut-il pas, quand même, arrêter de sacrifier nos espaces naturels (84ooo hectares de terres par an) au profit de la construction de routes, de lotissements, de parkings, de zones d’activités?
Si des milliers d’hectares sont goudronnés, des milliers d’autres retournent à l’état naturel: la surface des forêts françaises a augmenté d’un tiers entre 1830 et 1960, et d’un quart supplémentaire ces cinquante dernières années. Pour moi, la ressource la plus rare à sauvegarder, c’est l’homme. Chaque être est un créateur en puissance qui, pour peu qu’on ne le bride pas avec des normes drastiques et des règlements tatillons, cherche à améliorer sa situation sans nuire à celle de ses voisins. 6,8 milliards d’habitants, ce ne sont pas seulement 6,8 milliards de bouches à nourrir. C’est autant d’individus qui cherchent et trouvent des solutions aux grands défis de leur avenir… Y compris celui de l’environnement!
Propos recueillis par B. F.
Cécile Philippe est économiste, fondatrice de l’Institut économique Molinari, auteure de «C’est trop tard pour la terre, idées fausses, vraies réponses», Éd. JC Lattès, 175 p.